Photographie
La sixième édition du festival belge met en lumière la beauté et la fragilité des arbustes et forêts, du Canada à Singapour, en passant par la Finlande.
Il existe des dizaines de milliers d’espèces d’arbres. Et sans doute autant de manières de les photographier. Que montrer alors de cette multiplicité ? A l’heure où les urbains prennent conscience de leur besoin d’espaces verts et où les végétaux deviennent un sujet politique, le Hangar à Bruxelles braque son regard sur ces grandes plantes dans l’exposition In the Shadows of Trees. Thème consensuel, déjà mis à l’honneur par la Fondation Cartier à Paris en 2019, l’arbre met gentiment la nature au centre, tout en rappelant la sensibilité des photographes à leur environnement. Mais les enjeux, certes abordés, sont un peu vite effleurés dans ce jeune festival belge. Au Hangar, un espace d’art qui ressemble à une galerie (on peut y acheter des tirages) et où l’on paye un droit d’entrée, 20 artistes – tous intéressants individuellement – ont été sélectionnés, choisis collégialement par l’équipe dirigée par Delphine Dumont et soutenus par Rodolphe de Spoelberch (grande fortune belge de la bière). Baobabs, kapokiers, chênes, cèdres ou pêchers japonais se déploient dans les salles de l’ancien garage. Il y a là, sagement alignées, les broussailles de l’Ontario photographiées pendant le confinement par le Canadien Edward Burtynsky, une série de Beth Moon qui immortalise les plus vieux arbres du monde sur des tirages au platine-palladium, des silhouettes de palmiers tremblants du belge Bruno V. Roels… Regardant les arbres comme si c’étaient de vénérables aïeuls, Mitch Epstein a tiré en grand format le portrait d’un noyer du Caucase, d’un tilleul argenté et d’un hêtre pleureur. L’Américain a photographié ces végétaux puissants dans les parcs et jardins new-yorkais.
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L’or vert est un capital qui attise les convoitises, ce que montre avec délicatesse Jaakko Kahilaniemi, héritier d’une forêt en Finlande, avec un mélange de photos conceptuelles et de petites installations. «Dans peu de temps, il n’y aura sur terre plus que des jardins botaniques, peste le photographe Olaf Otto Becker. On accepte la déforestation. On ne fait rien pour lutter contre. Les jardins botaniques montrent une fausse idée de la nature pour nourrir notre imagination. Ce sont des compositions humaines, comme des bouquets.» Auteur d’une vaste enquête sur l’éradication des forêts, Olaf Otto Becker a photographié des forêts primaires et des paysages dévastés après déboisement. De Singapour, il montre des carcasses d’acier qui singent la forme d’une canopée : l’homme s’invente des décors pour remplacer ce qu’il a détruit. Dommage que seuls trois tirages fassent état de son travail… Le projet Aya d’Arguiñe Escandón et Yann Gross autour de l’Amazonie mériterait aussi d’être déployé. Quand les poumons verts de la planète auront disparu, pleurera-t-on les arbres comme dans Forest on Location de Persijn Broersen et Margit Lukács, une vidéo qui reconstitue en photogrammétrie Bialowieza, une des dernières forêts primaires d’Europe ?
A Bruxelles, l’arbre cache un écosystème de galeries et de collectionneurs privés, amateurs de photographies. Plus proche d’un Mois de la photo parisien que d’un véritable festival, PhotoBrussels, fédéré par le Hangar, se déploie dans la ville sans forcément s’accrocher au thème. On retrouve par exemple le travail à la fois sensible et conceptuel du belge Stijn Cole qui mixe installation, peinture, dessin et photo à la galerie Irène-Laub, une exposition de Helen Levitt avec d’étonnants graffitis à la Fondation A. Stichting ou des tirages à la boue photosensible de Lucas Leffler chez Contretype… Pour éprouver le petit grain de folie belge, une visite de l’originale collection de Galila Barzilaï (Galila’s POC) s’impose : dans un vaste entrepôt, des tirages de Nobuyoshi Araki, Chema Madoz ou Wim Delvoye embrassent d’autres œuvres autour des thèmes de l’œil, des toilettes ou de la pastèque. A l’espace Ada Ventura, le collectif de jeunes artistes De Anima fait pousser des champignons aux murs : Bruxelles, une terre fertile pour les expériences artistiques.