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Le Dom Juan dragueur compulsif et minable de David Bobée, au … – Le Monde

Répétition de « Dom Juan ou le Festin de pierre », de Molière, mise en scène et adaptation de David Bobée, au Théâtre du Nord, à Lille, le 20 décembre 2022.

Faut-il déboulonner Dom Juan ? Ou la statue du commandeur ? Les deux, semble nous dire David Bobée. Le directeur du Théâtre du Nord, à Lille, fait la promesse alléchante d’un Dom Juan de l’ère #metoo, avec la nouvelle adaptation-mise en scène qu’il propose de la célèbre pièce de Molière. Il n’est pas sûr que le pari soit vraiment tenu dans ce spectacle qui multiplie les effets scéniques d’une efficacité certaine, mais où le propos se brouille et se dilue au fur et à mesure qu’avance la représentation.

Le jeune et bon acteur Radouan Leflahi est tout à fait taillé pour le rôle

« En relisant Dom Juan, j’ai réalisé que chaque scène qui compose cette pièce représente quelque chose contre lequel je lutte depuis toujours. Dom Juan est tour à tour classiste, sexiste, glottophobe [discriminant sur le plan linguistique], dominant… », écrit David Bobée dans sa note d’intention. C’est donc une adaptation de la pièce qu’il livre ici, en opérant une série de décalages et en inscrivant le texte (respecté dans sa lettre, par ailleurs) dans le théâtre inclusif et ouvert qu’il revendique et pratique depuis le début, avec des acteurs de toutes origines et des passages de genre entre les rôles.

Dom Juan est néanmoins bien joué par un homme, en l’occurrence le jeune et bon acteur Radouan Leflahi, tout à fait taillé pour le rôle. C’est clairement un Dom Juan d’aujourd’hui, en débardeur blanc et pantalon noir. Et ce n’est pas le libertin flamboyant dont tant de mises en scène ont donné l’image depuis les années 1970. Il est plutôt un dragueur compulsif et un peu minable, qui met à son tableau de chasse aussi bien les garçons que les filles, d’ailleurs – une des innovations de David Bobée.

Statues mutilées

Sur le plateau à la scénographie spectaculaire, où trône notamment une énorme statue de dieu grec allongé et en partie émasculé, on le voit commettre ses méfaits sans joie et sans jouissance, comme une marionnette mue par on ne sait quel principe qui le dépasse. Un pantin, un spectre, presque, déjà, au milieu d’un cimetière de figures historiques et mythologiques déchues. Ce qui l’anime n’est pas le combat contre une religion qui n’est qu’une fiction qui ne dit pas son nom : les problématiques religieuses passent globalement à la trappe, dans cette mise en scène.

« Dernier représentant d’une masculinité qui n’a plus lieu d’être », selon David Bobée, il agit comme un automate qui se pétrifie peu à peu pour ressembler au final aux statues mutilées qui l’entourent. Le metteur en scène semble donc bien renvoyer dos à dos Dom Juan et le commandeur statufié comme deux symptômes d’un même système patriarcal, le premier ne bramant sa liberté de libertin que pour mieux reconduire une mécanique bien huilée de domination.

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