
Recordman du nombre de sélections (259) et de points marqués (3921) avec les Bleus, Hervé Dubuisson (65 ans) est une légende de l’équipe de France de basket. L’ancien ailier est aussi le premier joueur tricolore à avoir porté le maillot d’une franchise de NBA (les New Jersey Nets) le temps d’un camp d’été, en 1984. Pour RMC Sport, “Dub” livre son regard sur le basket hexagonal, et sa nouvelle pépite, Victor Wembanyama.
Hervé, quel est votre lien avec le basket aujourd’hui ?
Je continue à regarder tous les matchs. À la télévision bien sûr mais je vais souvent à l’Azur Arena voir Antibes et aussi à Monaco voir des matchs d’Euroleague, donc je suis gâté. Je vis toujours pour le basket. Je suis toujours autant passionné.
Que pensez-vous de Monaco ?
J’aime bien l’ambiance et le haut niveau en Euroleague. Monaco a une équipe capable de s’imposer et d’être championne d’Europe. Ce serait extraordinaire !
Quelle émotion ça fait de voir des gymnases à votre nom ?
Très agréablement surpris, c’était un bonheur pour moi. Je suis un vrai ch’ti, j’ai rencontré beaucoup de biloutes là-bas qui m’ont fait la fête. J’ai revu sur la route entre Lesquin et Lomme où j’ai inauguré le gymnase à mon nom (en réalité c’est à Marquise, ndlr), je suis passé devant Douai, où je suis né, La Bassé où j’ai grandi et vécu mes 4 premières années. Mon père était dans la gendarmerie mobile et ma grand-mère m’a élevé quand j’étais petit. C’est un super souvenir. Après j’ai vu Tourcoing, ça m’a rappelé la jeune garde de Tourcoing. Tout est revenu très vite ! C’est un super souvenir.
Vous êtes désormais dans la transmission…
Je transmets aux jeunes avec l’académie du basket aussi et par exemple j’ai été faire une initiation au shoot pour les baby basket. Je leur ai appris le 6 à l’envers… Ça me donne beaucoup d’émotion et j’adore faire ça, m’occuper des jeunes.
Et quand vous avez le ballon en main, vous avez toujours vos repères ?
Je suis toujours là ! Je suis encore capable de mettre des paniers assis au milieu du terrain sur une chaise ! Je l’avais fait pour un magazine de FR3, c’était rentré. Tout va bien, j’ai gardé tous mes repères sur un parquet.
Est-ce que le basket actuel est le même que celui que vous avez joué ?
Il a beaucoup évolué d’un point de vue physique. Quand on voit les gabarits qu’il y a comme le jeune français Victor Wembanyama. Il fait 2,21m mais a la dextérité d’un petit d’1,80m… Il est extraordinaire ! C’est une autre génération et une autre époque.
Vous auriez su défendre sur lui ?
Non je ne crois pas, parce que déjà je n’étais pas un gros défenseur. Mon but était de marquer plus de points que l’adversaire… C’est pour ça que j’ai mes records. Mais défendre sur un joueur aussi grand avec autant de dextérité c’est presque mission impossible.
Est-il en mesure d’aller chercher quelques-uns de vos records ?
J’espère pour lui, il a les capacités. Il pourra me battre facilement sur les rebonds et les contres parce que ce n’était pas mon point fort. Mais pour les points il en est capable aussi.
Vous êtes le meilleur marqueur de l’équipe de France sur un match : 51 points contre la Grèce en 1985… Ce record est-il menacé ?
Oui ça peut être possible… Rien n’est impossible dans le sport et on peut s’attendre à tout. Mais il faut noter que je n’avais pas la ligne à 3 points à l’époque !
Toute la NBA rêve de le voir atterrir dans son équipe. Vous qui êtes le premier Français à avoir porté le maillot d’une franchise NBA, quels conseils vous lui donnez ?
Ça a beaucoup changé. Moi en 84, avec les New Jersey Nets, ce n’était pas ouvert aux Européens comme maintenant. Il y a beaucoup d’Européens qui sont en NBA et ce n’est pas plus mal. Le niveau a évolué pour les joueurs européens et ils ont leur place aussi. Grâce notamment à des Tony Parker ou des Rudy Gobert. J’ai d’ailleurs joué avec le père de Rudy à Paris, ce qu’il fait c’est exceptionnel. Tony a lui ouvert la porte aux premières signatures.
Le basket français doit-il être plus ambitieux ?
Oui maintenant on est impatient d’avoir de nouvelles médailles. Il faut continuer parce que le niveau du basket français est de plus en plus fort.
Êtes vous pour la création d’une ligne à 4 points ?
On ne demande qu’à voir mais après ça fait beaucoup de possibilités dans le règlement. Je ne sais pas si d’un point de vue du jeu ce sera intéressant.
En tout cas, depuis plusieurs années, on demande à tous les joueurs de savoir shooter… Le jeu s’éloigne du cercle.
Il y a beaucoup plus de shooteurs désormais parce que les points comptent triple. Il faut beaucoup travailler. C’est pour ça que les joueurs commencent par le shoot.
Victor Wembanyama a-t-il des axes de progression ?
Oui bien sûr, il est jeune. Il va apprendre le métier là-bas. Au début ce sera peut-être une surprise mais après il aura des défenses encore plus fortes sur lui. Ce sera à lui de progresser encore. Ça viendra naturellement parce qu’il est né pour ça, comme moi en 1957, je suis né pour être basketteur.
Quel souvenir vous gardez de votre essai justement ?
C’est un super souvenir, j’y suis allé juste après les JO de Los Angeles. Je n’avais pas fait la tournée avec l’équipe de France en Chine. Je suis allé directement de Los Angeles à l’université de Princeton. Il y avait tous les nouveaux joueurs des New Jersey Nets, notamment un Brésilien, Oscar Schmidt, un super joueur, on est devenu amis. Ils voulaient nous garder mais sans nous donner un contrat garanti. A l’époque c’était comme ça, il fallait jouer un ou deux matchs et comme j’étais en contrat avec le Stade français, ils ont respecté mon choix de faire un essai mais on m’a dit : “Si tu as un contrat garanti tu restes, sinon tu reviens”. Donc je suis rentré en France, je ne pouvais pas les contrarier en attendant de savoir si j’étais pris.
Sur le terrain, lors de cet essai, l’état d’esprit n’était pas optimal…
Ah oui, c’était la guerre ! Chacun voulait jouer en NBA. Il y avait des joueurs du monde entier, donc c’était chacun pour soi. C’était pas vraiment collectif, chacun essayait de faire un exploit. Ce n’était pas beau à voir, pas joyeux et c’était difficile de s’en sortir.
Y a-t-il encore une différence entre le niveau du basket américain et européen ?
Non, plus du tout. Ça s’équivaut maintenant. Et on le voit avec les équipes nationales. Tout le monde a rattrapé le niveau NBA.