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Espace : le nouveau Far West

Le 15 novembre, un missile tiré par Moscou sur l’un de ses satellites a généré plus d’un millier de débris orbitaux qui ont mis en danger la Station spatiale internationale (ISS) et ses sept astronautes, obligés de se réfugier dans leurs vaisseaux amarrés à l’ISS. “Avec des objets se déplaçant à une vitesse allant jusqu’à 28 000 km/h, même une collision avec un objet de la taille d’une bille aurait pu être potentiellement dévastatrice”, remarquait alors le Daily Beast.

Le 24 novembre, les Américains ont envoyé dans l’espace une sonde qui, si tout va bien, devrait dévier la trajectoire d’un astéroïde dans quelques mois. Fin décembre, le télescope James-Webb, chargé de découvrir les premières étoiles de notre Univers, sera lancé depuis Kourou, en Guyane. Et en 2022, l’actualité spatiale s’annonce particulièrement chargée : la Nasa devrait placer en orbite lunaire son vaisseau Orion, prélude au retour d’une mission sur la Lune ; la Lune où, après la sonde chinoise, une sonde sud-coréenne est attendue en août ; les Européens, eux, visent Mars. Et en février est prévu le premier vol entièrement privé du vaisseau Crew Dragon de SpaceX.

Bref, ça se bouscule dans l’espace, et pas toujours pour le meilleur. Selon le New Scientist, il y aurait aujourd’hui plus de 4 000 satellites actifs en orbite autour de notre planète, et un certain nombre d’autres “retraités”, qui rendent à terme les collisions et les chutes de débris sur la Terre inévitables. L’espace est en train de devenir une poubelle, et ce n’est pas la seule inquiétude qui agite la communauté scientifique. C’est toute l’éthique de l’exploration du cosmos qu’il faut redéfinir, écrit le journaliste Ramin Skibba, sur le site britannique Aeon, dans le long article qui structure notre dossier de couverture cette semaine :

D’ici vingt à trente ans, des missions habitées pourraient faire des bonds de géant vers Mars – 500 fois plus éloignée de nous que la Lune – pour reconnaître les lieux et même y établir des colonies. Puis viendront les astéroïdes et d’autres destinations lointaines. À l’aube de cette nouvelle ère, nous avons la responsabilité collective d’examiner les défis moraux qui l’accompagnent.”

Pour Ramin Skibba, il faut à tout prix éviter une nouvelle colonisation, l’exploitation et l’épuisement des réserves du cosmos. Si rien ne change, les intérêts commerciaux et militaires influenceront, voire supplanteront, l’intérêt commun ; la quête de ressources telles que l’eau, les minerais et la place précieuse en orbite se soldera par la spoliation des communs de l’espace et du ciel nocturne. Les investissements dans l’exploration spatiale seront alors un moyen pour les puissants de se soustraire à la responsabilité qui leur incombe sur les questions de justice sociale.”

C’est le cœur de son propos : ne reproduisons pas dans l’espace les mêmes schémas ou les erreurs commises auparavant.

Des voix toujours plus nombreuses s’élèvent dans le milieu de l’astronomie pour défendre une conception différente : une vision pacifique, durable et égalitaire de l’espace, qui ne perdrait pas de vue les injustices et les inégalités à l’œuvre sur Terre.

Pas sûr que ces voix soient entendues au vu de la frénésie actuelle pour l’exploration spatiale. “Le moment historique que nous vivons peut être comparé à la conquête de l’Amérique”, écrit ainsi le magazine italien Panorama, qui consacre sa une à cette nouvelle “ruée vers l’or”. Pour mieux en comprendre les enjeux, plongez-vous sans hésiter dans l’article d’Aeon, qui nous a convaincus par son approche originale et engagée de la science.

Parmi les autres temps forts de ce numéro, le dossier que nous réalisons chaque année depuis 2016 en partenariat avec Amnesty International. De la Biélorussie au Guatemala, de la Chine à l’Égypte, sur tous les continents, celles et ceux qui manifestent, qui témoignent, en paient le prix. Courrier international s’associe à Amnesty et à sa campagne “10 jours pour signer” pour mobiliser l’opinion publique sur dix cas emblématiques.

À lire aussi dans nos pages actualités, les réactions de la presse britannique après la mort de 27 personnes qui tentaient de traverser la Manche. “Le naufrage de la honte”, pour The Observer, qui dénonce la politique migratoire toujours plus dure de Londres. Et aussi, les premières hypothèses sur Omicron, le variant qui fait trembler la planète.
 

Claire Carrard

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