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“En termes de précocité, j’ai rarement vu ça”: qui est Nadir Hifi, l’autre grand espoir français de Betclic Elite?

Deuxième meilleur scoreur français de Betclic Elite derrière Victor Wembanyama, Nadir Hifi (20 ans) a claqué la plus grosse performance de la saison le 31 mars dernier contre Paris (39 points, 8 rebonds, 6 passes, 12/16 au tir, 44 d’évaluation). Malgré un parcours atypique, le meneur franco-algérien du Portel est parvenu à dépasser toutes les attentes au point de s’imposer comme l’un des joueurs majeurs du championnat de France. Avant de rêver encore plus grand?

La belle histoire débute en plein cœur de l’hiver dernier, au Palais des Sports de Dijon. Le 23 janvier 2022, Le Portel se déplace en Bourgogne pour y défier la JDA à l’occasion de la 17e journée de Betclic Elite. Ce soir-là, les joueurs du Pas-de-Calais passent complètement à côté de leur sujet. Jusqu’à l’arrivée sur le parquet d’un jeune homme jusqu’ici inconnu au bataillon.

“Un match où on prenait l’eau de toute part, se souvient Éric Girard, le coach du Portel. On avait un Américain qui venait de Monaco, Lazeric Jones. Il était finalement très moyen. Comme on était loin derrière, j’ai décidé de mettre Nadir sur le terrain. Perdu pour perdu, autant lancer des jeunes plutôt que des Américains qui n’ont pas envie d’être sur le terrain. Et là, on a vu une bombe incroyable.” La bombe répond au nom de Nafir Hifi, 19 ans à l’époque et presque jamais apparu avec les professionnels. “Quand il est rentré contre Dijon, il a tiré toute l’équipe vers le haut défensivement. Finalement, on est revenu de -20 à -7 ou 8. Ça a vraiment été le déclic”, poursuit Eric Girard.

Lorsqu’on l’interroge sur le match qui a lancé sa carrière, le principal intéressé n’hésite pas une seconde. “Ah oui, c’est Dijon! L’équipe était un peu en déroute. Il n’y avait plus rien à tirer de cette rencontre. Je suis rentré et j’ai défendu très fort, j’ai gagné des ballons, j’ai provoqué des fautes… Ça a changé le visage de l’équipe, se remémore Nadir Hifi. Quand Eric Girard me dit de rentrer, je me dis que c’est l’opportunité que je dois saisir, que j’en aurai pas dix. J’ai essayé de saisir l’opportunité au maximum et je pense que je l’ai bien fait… J’ai voulu montrer que j’avais envie de jouer. Quand un coach met un jeune sur le terrain, il n’attend pas que ce jeune mette 20 points. Il attend qu’il défende très fort, qu’il joue propre et ne perde pas de balle. J’ai respecté ça et j’ai pu avoir ma chance.” Lors de cette fameuse rencontre de janvier 2022, Le Portel a fini par rendre les armes et s’incliner 86-72. Mais une étoile était née.

“Il porte l’équipe sur ses épaules”

En l’espace de quelques mois, la météorite Nadir Hifi a foncé sur la Betclic Elite. Après avoir réussi à pleinement intégrer la rotation de l’équipe professionnelle sur la deuxième partie de la saison 2021-2022, le meneur-arrière franco-algérien (1,85m) a littéralement explosé au cours des derniers mois. Sixième meilleur marqueur de Betclic Elite sur l’exercice en cours (16,8 points), il s’est imposé, à seulement 20 ans, comme l’un des joueurs majeurs du championnat. Les chiffres disent d’ailleurs beaucoup de son adaptation express: alors qu’il tournait à 15,4 points à 15,5 d’éval et 42% au shoot chez les espoirs la saison dernière, il affiche des statistiques en hausse pour sa première saison complète chez les professionnels (16,8 points à 15,3 d’évaluation et 46,9% au shoot).

Le jeune homme impressionne tout le monde. Jusqu’au sein de son propre vestiaire. “Il porte l’équipe sur ses épaules depuis le début de la saison. Je pensais que les équipes auraient pu s’adapter à son jeu, mais il arrive toujours à s’en sortir. Il est épatant, loue Benoît Mangin (34 ans), deux sélections au All-Star Game du championnat de France au compteur et capitaine du Portel. S’il n’y avait pas eu Wembanyama cette saison, je pense qu’il aurait eu le chemin libre et on aurait beaucoup plus parlé de lui. Il aurait été deux fois plus mis en valeur.”

Un carton monumental contre Paris

L’ombre de Wembanyama est imposante. Seulement devancé par ce dernier au classement des meilleurs scoreurs français de Betclic Elite, Nadir Hifi a pourtant réussi à faire mieux que le probable futur N°1 de la prochaine draft NBA dans un domaine: celui de la meilleure évaluation de la saison. Grâce à un véritable carton contre Paris le 31 mars dernier (39 points, 8 rebonds, 6 passes, 12/16 au tir, 44 d’évaluation), il s’est tout simplement offert la plus grosse performance de Betclic Elite sur l’exercice 2022-2023.

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Après avoir gagné sa place grâce à son intensité défensive, c’est donc grâce à son talent offensif qu’il est entré dans une nouvelle dimension. Une suite logique pour Nadir Hifi, absolument pas surpris par ses performances démentielles au scoring. “Bien sûr que je m’attends à ça. Le contexte fait que je joue beaucoup et que je bénéficie de la confiance de mes coéquipiers et de mon coach. Ça donne envie de faire plus: si je suis capable de faire ça à 20 ans, j’espère être capable de faire encore mieux après.”

“Je n’avais jamais vu un joueur partir d’aussi bas, aussi méconnu, arriver si vite au plus haut niveau du basket français”

Même s’il a eu le culot de le mettre dans l’arène un soir de janvier 2022, Eric Girard, de son côté, n’avait absolument pas anticipé une telle éclosion. “Ça serait mentir de dire qu’on s’en doutait. C’est toujours facile de dire ça après… Je pense que personne dans son entourage n’imaginait qu’il serait capable d’arriver à ce niveau-là, tranche le coach du Portel. En termes de précocité, j’ai rarement vu ça. Pourtant, j’ai commencé ma carrière de coach au centre de formation de Cholet où j’ai côtoyé beaucoup de joueurs qui allaient devenir de grands noms par la suite – Antoine Rigaudeau, Claude Marquis, Aymeric Jeanneau – et je n’avais jamais vu un joueur partir d’aussi bas, aussi méconnu, arriver si vite au plus haut niveau du basket français. Il y a des jeunes qu’on fait jouer ou s’entraîner avec les pros les yeux fermés pour voir ce que ça donne, on leur donne des minutes. Alors que lui, les 3-4-5 premiers mois, il était dans les 12 à l’entraînement mais plus souvent sur le côté que sur le terrain. Pendant les matchs amicaux, qu’il y ait 15 points d’avance ou 15 points de retard, il ne jouait pas parce que le staff considérait qu’il n’avait pas besoin de lui et qu’il ne montrait pas suffisamment. Il aurait pu être prêté en Pro B en jouant les bouche-trous.”

“Un jeune différent”

Ce n’est pas vraiment la voie que Nadir Hifi a choisi d’emprunter. Pourtant, son début de carrière s’apparente à un long chemin de croix. Recalé à plusieurs reprises du centre de formation de Strasbourg avant de forcer la porte du Portel, il a connu un parcours tortueux, bien moins linéaire que celui des cracks qui explosent habituellement au plus haut niveau.

“D’où je viens m’aide beaucoup à garder les pieds sur terre. Je sais la valeur que ça a maintenant. Il y aura d’autres étapes à franchir. Je ne ne pense pas avoir percé trop tard. Je pense que j’ai eu ma chance à ce moment-là sans l’avoir avant. Mes parents m’ont beaucoup aidé par rapport à ça. Je ne me voyais pas lâcher après les refus. Ça fait partie de mon caractère et de ma mentalité. Quoi qu’il arrive, j’aurais fait du basket dans ma vie. J’aurais toujours eu la volonté d’aller le plus haut possible.”

Pour ceux qui le côtoient au quotidien, ce parcours atypique fait l’une des forces de Nadir Hifi, dont la détermination à toute épreuve ne l’empêche pas de savoir rester patient. “Il connaît son propre talent, il ne doute pas. Quand il est arrivé en espoirs, il avait un fort caractère et un fort tempérament. Il savait ce qu’il voulait. Ça peut être vu comme une forme d’arrogance mais il a su faire profil bas, arriver sur la pointe des pieds et prendre ce que le coach lui donnait, confie Benoît Mangin. C’est quelqu’un qui observe et qui échange beaucoup. Il sait rester à sa place et ça c’est une qualité pour réussir. Le risque est de vouloir aller trop vite et de se brûler les ailes. Lui, il ne fait pas de vague. Les jeunes joueurs aujourd’hui veulent tout sans avoir prouvé quoi que ce soit. Nadir, lui, est encore dans un processus d’observation et d’écoute.”

“C’est vraiment un jeune différent de la plupart de ceux qu’on voit, confirme Eric Girard. Il est poli, il est à l’heure, il travaille. Il a d’abord une très bonne éducation. Il est loin de ces jeunes que l’on voit maintenant qui ne pensent qu’à briller, l’argent et la NBA, qui ont toujours les écouteurs sur les oreilles. Quand on revient quasiment de nulle part, qu’on est persuadé d’y arriver mais qu’on est recalé une fois, deux fois, trois fois quel que soit l’endroit, quand la porte s’ouvre comme au Portel, on s’engouffre dedans. Dans le cas de Nadir, on se dit ‘maintenant que j’ai ouvert la porte, je fonce et on ne me mettra plus sur le côté’. Il travaille comme rarement j’ai vu des jeunes travailler.”

Shane Larkin, star de l’Euroligue, comme grand frère

Décrit comme un travailleur acharné, Nadir Hifi peut également compter sur les conseils de ce qui se fait de mieux en Europe à son poste. Depuis plusieurs mois, il échange régulièrement avec Shane Larkin, ancien joueur NBA (plus de 250 matchs entre les Dallas Mavericks, New York Knicks, Brooklyn Nets, les Celtics de Boston) qui fait actuellement les beaux jours de l’Efes Istanbul. Vainqueur des deux dernières éditions de l’Euroleague et élu dans le cinq majeur de la compétition en 2022, Larkin a de lui-même pris contact avec Nadir Hifi.

“J’ai reçu un message de lui en octobre, raconte le meneur du Portel. A partir de là, on est restés en contact et ça s’est fait comme ça. Je ne lui ai jamais demandé la manière dont il avait entendu parler de moi. Mais c’est un passionné, il regarde beaucoup de basket, il a dû tomber sur quelques vidéos de moi. Ça surprend. En plus, c’est un de mes joueurs préférés. Donc je me suis dit: ‘Ah ouais, quand même !’ On communique beaucoup, il me donne des conseils. Si j’ai des questions à lui poser par rapport au jeu, il y répond. On a une bonne relation, on parle un peu de tout. Il a ce rôle de grand frère un petit peu.”

Dans un futur très proche, Nadir Hifi aura peut–être l’occasion de défier son mentor, meneur star de la Turquie, sur la scène internationale. Alors qu’il avait le choix entre la sélection algérienne et française, il a récemment opté pour les Bleus. Malheureusement pour lui et alors qu’il aurait vraisemblablement été sélectionné, des soucis administratifs ne lui ont pas permis d’être à la disposition de Vincent Collet lors de la dernière fenêtre internationale, en février.

“Quand j’ai pris ma décision, je n’avais aucune garantie de jouer en équipe de France. Mais je me suis lancé ce challenge-là, clame Nadir Hifi. J’ai enchaîné les performances et Vincent Collet a commencé à me regarder.Il a voulu me sélectionner mais ça n’a pas pu se faire. Ça sera peut-être pour les prochaines fenêtres. Peut-être pas la prochaine Coupe du monde (25 août-10 septembre 2023), mais celle d’après on ne sait pas. Ça peut aller très vite.”

Un avenir toujours indécis

Avant de penser aux prochains matchs des Bleus, cet été à l’occasion de la préparation de la Coupe du monde, Nadir Hifi devra se pencher sur la question de son avenir. Le meneur est encore sous contrat jusqu’en 2024 avec Le Portel, mais sa saison de haut vol en Betclic Elite lui ouvre forcément d’autres perspectives. Si la draft NBA (le 22 juin prochain) est forcément dans un coin de sa tête, il n’a pour l’instant pris aucune décision ferme et définitive quant à son avenir à court terme. Inscription à la draft, signature dans un club qui joue une Coupe d’Europe, dernière année au Portel… aucune option n’a longtemps été écartée. Et n’en déplaise à son coach, il a finalement choisi de se présenter à la draft.

“Je prêche pour ma paroisse, mais il a encore un an de contrat chez nous, indique Eric Girard. Peut-être qu’il joue dans une équipe moyenne, OK. Mais il y a une sacrée pression! Il y a plus de pression autour d’une équipe comme la notre (Le Portel est actuellement 13e de Betclic Elite, avec trois victoires d’avance sur le premier relégable à cinq journées de la fin, ndlr) qu’une équipe qui joue la 7e, 8e ou 9e place. Entre louper les playoffs et descendre en Pro B, la pression n’est pas du tout la même. Il a un rôle important. Continuer dans ce contexte là une année supplémentaire pour rebondir ensuite dans un très gros club serait très cohérent. Je pense que former l’équipe autour de lui pour continuer de lui donner ses responsabilités et qu’il prenne encore de l’expérience au plus haut niveau serait la bonne solution. Il ne faut pas brûler les étapes. Certains estimeront que je dis ça car je ne veux pas qu’il parte. Mais Nadir n’a pas 24 ou 25 ans… il a 20 ans.” Et sans doute encore beaucoup de plafonds à exploser.

Felix Gabory Journaliste RMC Sport

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