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« En Europe, la coopération en matière de défense est plus compliquée qu’avant la guerre en Ukraine » – Le Monde

Daniela Schwarzer, en 2019.

Daniela Schwarzer est directrice de l’Open Society Foundations pour l’Europe et l’Asie centrale, à Berlin. Elle a longtemps travaillé sur les questions européennes au sein de l’Institut allemand pour les affaires internationales et de sécurité.

Dans quel état se trouve l’Europe, après bientôt dix mois de guerre en Ukraine ? Plus le temps passe, plus la cohésion paraît fragile au sein des Vingt-Sept…

Depuis cet automne, nous sommes entrés dans une nouvelle phase. Après les succès remarquables remportés par l’Ukraine sur le terrain, notamment la libération de Kherson, les Européens et les Américains ne peuvent en aucun cas réduire leur soutien à Kiev. Dans le même temps, plus Moscou enchaîne les revers militaires, plus l’escalade est possible. La Russie poursuit la destruction des infrastructures civiles ukrainiennes avec une brutalité extraordinaire, ciblant surtout la destruction des réseaux énergétiques, qui peut entraîner un nouvel exode de la population. On ne peut pas non plus exclure l’usage d’armes de destruction massive – qu’elles soient chimiques, voire nucléaires.

Dans ce contexte, on constate qu’il est de plus en plus difficile d’adopter des paquets de sanctions au sein de l’Union européenne. La Hongrie a ainsi obtenu des exemptions sur l’embargo sur le pétrole, entré en vigueur le 5 décembre. D’autres pays pourraient exiger des aménagements similaires, comme l’Italie, dont le gouvernement actuel n’affiche pas la même détermination contre la Russie que le précédent. Des débats existent aussi en Allemagne, pas au sein de la coalition, mais dans l’opinion publique, pour trouver une alternative, réduire les sanctions et discuter avec Vladimir Poutine. L’inflation et le chômage créent des tensions qui peuvent conduire à des débats nationaux sur le prix de l’engagement auprès de l’Ukraine. Or, si nous ne continuons pas à soutenir les Ukrainiens, ils ne seront jamais en position d’accepter, dans de bonnes conditions, un cessez-le-feu ou un accord de paix.

Les vives tensions entre la France et l’Allemagne n’arrivent-elles pas au pire moment ?

Au lieu de se disputer publiquement, Berlin et Paris doivent prendre conscience de leurs responsabilités pour faire avancer l’Europe dans ces circonstances dramatiques. L’Union européenne a besoin du leadership de ses deux membres les plus importants. Après l’annulation du conseil franco-allemand en novembre, on voit que les uns et les autres essaient de montrer que le dialogue se poursuit et que tout va pour le mieux.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Malgré leurs différends, Paris et Berlin s’efforcent de renouer le dialogue

La réalité est qu’ils ont des approches très différentes en matière d’énergie et de défense. Et qu’il va leur être difficile de se mettre d’accord sur ces questions-clés, d’ici au mois de janvier, lors d’un éventuel conseil franco-allemand à l’occasion des 60 ans du traité de l’Elysée. Il n’y a pas si longtemps, au plus fort de la pandémie, Berlin et Paris avaient su trouver un compromis pour mettre sur pied un plan de relance, financé par un endettement commun. La grande question est de savoir s’ils seront capables d’agir ensemble pour développer d’autres outils de ce genre, afin de renforcer les économies et les démocraties européennes.

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