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DVD : « Battle Royale », la danse macabre de Kinji Fukasaku – Le Monde

Takeshi Kitano en professeur impitoyable dans le film « Battle Royale ».

C’est sous la forme d’un impressionnant coffret que vient d’être édité, par M6 vidéo, en Blu-ray (version cinéma et montage du réalisateur), Battle Royale, le film de Kinji Fukasaku ainsi que sa suite, moins percutante, Battle Royale II Requiem réalisé par son fils Kenta Fukasaku. Sorti en salles en 2001, Battle Royale avait donné des nouvelles (plutôt bonnes) d’un cinéaste important de la modernité cinématographique au Japon et aussi frappé les esprits par son originalité et son ton. Fukasaku fut, en effet, celui qui, dans les années 1970, débarrassa le film de gangsters japonais de son idéologie romantique. Dans sa série, si bien nommée, Combat sans code d’honneur ainsi qu’avec des titres comme Le Cimetière de la morale ou Guerre des gangs à Okinawa, Fukasaku avait abandonné les personnages de hors-la-loi chevaleresques pour décrire un monde sans morale, uniquement guidé par les lois de la survie et de la prédation.

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Ce nihilisme avait marqué à jamais un cinéma japonais de genre qui perdait définitivement ses illusions. Fukasaku avait un peu disparu des radars cinéphiliques dans les années 1980 et 1990. Il est vrai que le cinéma de studio nippon déclinait progressivement, que le savoir-faire d’origine et l’inspiration s’estompaient progressivement, minés par la domination croissante de la télévision. Tel un revenant, resurgissant de l’enfer des séries télévisuelles, Fukasaku surprit tout le monde avec cette adaptation, en 2001, d’un best-seller controversé de Koushun Takami, s’inspirant ironiquement d’une série télévisée sur un professeur de lycée. Le roman imaginait que, dans un futur proche, les élèves d’une classe de lycée étaient désignés par le gouvernement et envoyés sur une île déserte pour participer à un jeu mortel, celui de s’entretuer jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’un survivant. Le succès du livre devenu un phénomène de société, ainsi que le scandale politique qu’il déclencha, provoqua son adaptation au cinéma par le studio TOEI.

Fable apocalyptique

Il pouvait apparaître logique que ce soit à Fukasaku, longtemps attaché à la TOEI, que le projet soit confié, lui qui avait su si bien décrire le monde des yakuzas d’après-guerre comme un chaos, une guerre de tous contre tous. L’autre choix judicieux de la production fut de confier le rôle du professeur impitoyable à Takeshi Kitano, conférant ainsi au film, grâce à celui qui fut tout autant une vedette de la télévision qu’un grand cinéaste, une dimension de méchanceté humoristique originale.

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Il est facile de considérer Battle Royale comme l’allégorie d’un monde social partiellement façonné par le libéralisme, sa manière de mettre les individus en concurrence et d’accepter la loi du plus fort économiquement. Mais l’intérêt du film est ailleurs, dans l’idée que les principes confucianistes, les règles hiérarchiques qui déterminent au Japon notamment la place des individus, selon leur âge, dans la société sont en train de s’effondrer sous le coup d’une modernité devenue incontrôlable. Le nihilisme légendaire du cinéaste s’adapte ainsi à la perfection à cette fable apocalyptique, hanté par un désir de destruction.

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