
Le prince est rêveur et incertain. Régulièrement, il pose la main sur son trône, comme pour trouver des réponses à ses questions. S’asseoir dessus, oui, bien sûr, c’est ce qu’on lui demande, mais pour quoi faire ? Se marier, évidemment, mais avec qui ?
En quelques minutes, dimanche 11 décembre, sur le plateau de l’Opéra Bastille, à Paris, Guillaume Diop, 22 ans, s’est glissé pour la première fois dans le rôle de Siegfried, le héros du Lac des cygnes, chorégraphié par Rudolf Noureev. Avec délicatesse, le jeune danseur, qui remplace Hugo Marchand, blessé, auprès de l’étoile Dorothée Gilbert, magistrale, a suspendu le temps comme il dépose ses gestes sur l’air.
Adieu le pourpoint brodé, le voilà qui apparaît en sweat noir, le lendemain, dans un bureau du Palais Garnier. Lumière naturelle et tout aussi limpide à la ville que sur scène. « J’adore Le Lac et je me reconnais un peu dans le personnage de Siegfried, déclare-t-il, direct. Je suis rêveur et souvent ailleurs. Je me suis servi de certains de mes traits de caractère pour l’interpréter. » En l’espace de quinze jours à peine, épaulé par Dorothée Gilbert et la coach Claude de Vulpian, Guillaume Diop a peaufiné sa prestation, déjà apprise en observant des vidéos du spectacle, dont celle avec l’étoile Nicolas Le Riche. « J’aime sa spontanéité dans la danse et sa façon de rendre la pantomime très humaine », analyse Guillaume Diop.
Il partage également avec lui, comme on a pu le savourer, une attaque gourmande de l’espace, une envergure physique qui décolle et un talent pour les sauts qui semblent ne jamais vouloir retomber. « Il a une technique et des facilités incroyables, raconte Claude de Vulpian. Des lignes superbes également, et je ne suis pas sûre qu’il se rende compte à 100 % de ses qualités. » Celle qui fut la partenaire de Rudolf Noureev ajoute : « Sans compter que répéter avec lui et Dorothée, tellement à l’écoute l’un de l’autre, et avec une telle joie de vivre, est un bonheur. »
En à peine deux ans, Guillaume Diop a fait plus que parler de lui. Celui qui n’est pas étoile de la compagnie mais sujet – il lui reste encore un concours pour accéder au grade de premier danseur, puis d’étoile sur décision de la direction – pointe régulièrement en haut de l’affiche. « C’est un peu fou car je suis toujours dans le corps de ballet, mais ce sont des opportunités qui ne se ratent pas », constate-t-il. Tout en faisant comprendre que rien ne passe vraiment comme une lettre à la poste dans cette institution. « Cela crée des tensions que je sois distribué dans des rôles normalement dévolus aux premiers danseurs ou aux étoiles, remarque-t-il. J’ai parfois un sentiment d’illégitimité, mais je me concentre sur le travail. »
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