
L’arrivée d’un vaccin contre le Covid-19 a suscité de grands espoirs, après une année marquée par l’épidémie qui a fait plus de 65 000 morts en France. Pourtant, à peine plus de cinq cents personnes ont été vaccinées du 27 décembre 2020 au 1er janvier.
« Réunion de suivi » de la vaccination à l’Elysée lundi après-midi, conseil de défense sanitaire mercredi 6 janvier… le sujet s’est imposé en tête des priorités de l’exécutif en cette rentrée 2021 face aux critiques de l’opposition et d’une partie des spécialistes. Comment expliquer cette apparente lenteur de la campagne de vaccination ?
1 – Quelle est la stratégie vaccinale française ?
Le gouvernement français a prévu de vacciner la population contre le Covid-19 en trois étapes. Selon le plan initialement établi, jusqu’à la fin du mois de février, seules les personnes âgées résidant en établissements (par exemple, en Ehpad) devaient être éligibles, ainsi que les professionnels de santé qui y exercent et présentent un facteur de risque élevé. Cela représente environ un million de personnes.
Doivent venir ensuite, à partir de mars, l’ensemble des personnes de plus de 75 ans ainsi que celles de plus de 65 ans et celles atteintes de pathologies. A cette liste étaient censés s’ajouter les professionnels de santé et du médico-social qui ont plus de 50 ans et sont atteints de pathologies. Soit au total 14 millions de personnes.
Le reste de la population, enfin, ne pourra être vacciné que dans un troisième temps.
Face aux critiques concernant le cas spécifique des professionnels de santé, le gouvernement a déjà amendé cette stratégie en élargissant, dès le lundi 4 janvier, la vaccination à l’ensemble des soignants de plus de 50 ans.
2 – Combien de vaccins ont déjà été administrés ?
Au 1er janvier, 516 personnes avaient déjà reçu une première injection du vaccin Pfizer-BioNTech contre le Covid-19 (sur les deux requises), depuis l’aval donné le 24 décembre 2020 par la Haute Autorité de santé (HAS), quelques jours après celui de la Commission européenne, selon les chiffres du ministère de la santé mis en ligne par l’ingénieur Guillaume Rozier sur son site CovidTracker.
Des données plus détaillées sont renseignées dans un système d’information de suivi de la vaccination, baptisé « Vaccin Covid ». Autorisé par décret fin décembre, il est opérationnel depuis le 4 janvier et recueille des informations personnelles sur les personnes invitées à être vaccinées ou non vaccinées : nom, prénoms, sexe, date de naissance, adresse, numéro de téléphone…
Un bilan quotidien de la campagne de vaccination devrait être communiqué aux médias à partir de mardi 5 janvier, selon le directeur général de l’Assurance-maladie, Thomas Fatome.
3 – Les autres pays font-ils mieux ?
Moins de 0,001 % des Français ont reçu une première injection du vaccin contre le Covid-19. C’est beaucoup moins qu’en Allemagne, par exemple, où 238 809 vaccins y ont été administrés au 2 janvier, soit 0,29 % de la population.
D’une manière générale, hormis quelques exceptions comme Israël, où plus de 10 % des habitants ont déjà reçu une première injection, le pourcentage de population vaccinée reste très faible partout dans le monde.
En outre, la stratégie diffère selon les gouvernements : si la France concentre dans un premier temps ses efforts sur un public très restreint, ce n’est pas le cas, par exemple, en Allemagne où les autorités ont déjà déployé d’importants centres de vaccination.
Au Royaume-Uni, où la campagne de vaccination a été lancée dès le 8 décembre et a déjà touché près de 950 000 personnes, les autorités ont décidé d’allonger le délai entre les deux doses de vaccin injectées aux patients. Cette décision prise pour vacciner rapidement le plus de personnes possible, ne suit pas les recommandations des fabricants et offre donc moins de garanties en matière d’immunité à long terme.
4 – Qu’est-ce qui coince en France ?
La phase 1 de la stratégie française prévoit de vacciner un million de personnes d’ici à la fin du mois de février, soit environ 15 000 personnes par jour. Ce rythme est encore bien loin d’être atteint, une vingtaine d’établissements seulement ayant jusqu’à présent pu faire vacciner leurs résidents. Le gouvernement prévoit de dépasser la centaine à la mi-janvier, puis de l’élargir fortement par la suite. Il faudra attendre plusieurs semaines pour savoir si cette dynamique est atteinte ou non.
Si le président Emmanuel Macron a promis, lors de ses vœux, d’éviter qu’une « lenteur injustifiée » s’installe, la procédure préalable à la vaccination semble également en cause. Avant de pouvoir se faire vacciner, les résidents en Ehpad doivent, en effet, avoir fait l’objet d’une préconsultation médicale spécifique et leur consentement doit avoir été recueilli.
Cette contrainte préalable a vraisemblablement retardé les débuts de la campagne, en particulier en période de fêtes. Les consultations doivent, en effet, avoir été faites au moins cinq jours avant l’injection du vaccin. C’est pourquoi une partie des professionnels de santé, et notamment l’Académie nationale de médecine, appelle, désormais, à raccourcir et simplifier cette procédure.
5 – Le nombre de doses disponibles est-il en cause ?
Pour l’heure, seul le vaccin développé par Pfizer et BioNTech est autorisé en France. Une première série de 19 500 doses est arrivée sur le territoire français dès le 26 décembre. Largement plus que le nombre d’injections déjà réalisées. Désormais, 500 000 doses supplémentaires seront livrées chaque semaine jusqu’à la fin du mois de février, selon le gouvernement.
Alors que deux injections espacées de vingt et un jours doivent être réalisées pour atteindre une protection optimale, ce rythme d’approvisionnement doit permettre de dépasser dès le mois de janvier les deux millions de doses nécessaires pour vacciner un million de personnes. D’autant qu’un second vaccin, celui de Moderna, devrait être autorisé très rapidement, a affirmé sur BFM-TV le 4 janvier Dominique Le Guludec, présidente du collège de la Haute Autorité de santé (HAS).
D’autres considérations logistiques peuvent se poser dans l’organisation de la campagne vaccinale, en particulier les conditions très strictes de conservation du vaccin de Pfizer et BioNTech, mais le stock de vaccins n’est pas un blocage pour la stratégie française, à ce stade. Cela pourrait, en revanche, poser problème au printemps, lorsque l’objectif sera d’élargir la vaccination au grand public. C’est, par exemple, déjà le cas en Allemagne, où la stratégie sanitaire est différente.
6 – A quel horizon peut-on envisager que les vaccins freinent l’épidémie ?
Le déploiement progressif des vaccins ne devrait pas permettre, à court terme et à lui seul, de casser la dynamique de l’épidémie de Covid-19, alors qu’un nouveau pic se profile en janvier. L’objectif de vacciner un million de personnes d’ici à la fin du mois de février en France représente une proportion de l’ordre de 1,5 % de la population. Un chiffre bien trop bas pour apporter un réel bénéfice pour l’immunité collective, et donc espérer éteindre l’épidémie à court terme.
Cela ne veut pas dire que ces injections sont réalisées en vain : limiter la diffusion du Covid-19 chez les personnels soignants et dans les Ehpad permet de protéger une partie fortement exposée et vulnérable de la population et d’atténuer le taux de mortalité dû à la maladie.
« Ça ne va pas assez vite, mais ce n’est pas sur les quinze prochains jours ni le prochain mois que se jugera l’efficacité de la campagne vaccinale », confirmait dimanche, sur BFM-TV, l’épidémiologiste Arnaud Fontanet. Selon lui, il faudrait atteindre de l’ordre de cinq millions à dix millions de personnes vaccinées d’ici à la fin mars pour voir un premier impact sur la circulation du virus.
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