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Béatrice Dalle : «Je suis passée de grande ado à icône du Festival de Cannes»

Le film avait réalisé 3,6 millions d’entrées en 1986, est devenu culte et a révélé ses interprètes Jean-Hugues Anglade et Béatrice Dalle. Histoire d’amour passionnée entre Zorg, un romancier marginal, et Betty, une fille sauvage, « 37°2 le matin », de Jean-Jacques Beineix, est diffusé sur France 5 dans le cadre de l’émission « Place au cinéma » (à 20h50). Le drame sera présenté par le producteur Dominique Besnehard, qui avait lui-même repéré Béatrice Dalle. Alors âgée de 20 ans, la jeune femme avait seulement posé, par hasard, pour un magazine. L’actrice nous raconte ses souvenirs de ce tournage tumultueux.

Comment avez-vous été choisie pour le film ?

BÉATRICE DALLE. Dominique (NDLR : Besnehard) m’avait vue en une du magazine « Photo ». Il m’a appelée. Il pensait que tout le monde voulait faire du cinéma, mais moi, j’en avais rien à foutre : j’étais une petite meuf qui vivait dans des squats, je ne connaissais aucun acteur. Je ne l’ai pas trouvé assez aimable. Alors, je lui ai raccroché au nez. Dominique m’a rappelée et est venu me chercher dans mon squat ! On a pris un café en face de la Comédie-Française, il m’a parlé de « 37°2… ». Puis, on est allés dans une librairie : en me voyant, le type de la caisse a dit Cette fille ressemble à l’héroïne du livre de Philippe Djian (NDLR : « 37°2 le matin ») !

Quels souvenirs gardez-vous du tournage ?

J’avais touché 80 000 francs (NDLR : l’équivalent de quelque 21 400 euros aujourd’hui, compte tenu de l’inflation). J’étais la moins payée de l’équipe, mais pour moi, c’était énorme. Avec Beineix, on s’aimait, mais on n’arrêtait pas de s’engueuler. Une fois, j’ai pris la Mercedes jaune et je l’ai mise dans le mur exprès. Pour une scène, moi qui suis superpudique, je devais monter mon T-shirt pour qu’on voie mes fesses : Beineix criait, alors j’ai crié plus fort et j’ai demandé qu’on fasse évacuer la plage, juste pour le faire ch… Et dans la séquence où Betty jette tout dans la cuisine, je visais Jean-Jacques, par terre avec sa caméra : il s’est tout pris dans la gueule !

Et le tournage de la scène de sexe, qui ouvre le film ?

C’était horrible. On ne m’avait pas prévenue que toute l’équipe serait sur le plateau. Il fallait faire des gros plans, alors on devait refaire des prises chacun de son côté, Jean-Hugues et moi. A la première projection du film, ma mère était derrière moi : je viens d’une famille religieuse, catholique, alors je me suis fondue sous le siège. Mais je suis fière du film : il n’y a pas de scène gratuite.

« 37°2 le matin » a fait de vous une star…

Le film a complètement changé ma vie. Je suis passée de grande ado à icône du Festival de Cannes 1986. Pour voir la montée des marches de la fille de « 37°2… », des bus avaient été affrétés de Bordeaux ou de Strasbourg. Lors du dîner de clôture, le gâteau s’appelait même « Béatrice Dalle ».

Béatrice Dalle dans « 37°2 le matin », de Jean-Jacques Beineix (1986)./Collection Christophel
Béatrice Dalle dans « 37°2 le matin », de Jean-Jacques Beineix (1986)./Collection Christophel  

Vous avez quitté votre squat après le tournage ?

Oui, j’ai été chez mon mari de l’époque (NDLR : en 1985, Béatrice a épousé le peintre Jean-François Dalle). J’ai acheté un appartement. La banque m’a fait crédit : plus t’en as, plus on te donne. Et puis, j’ai reçu plein de propositions. Je venais d’une famille sans argent : le cinéma marchait pour moi, alors j’ai continué.

Comment avez-vous vécu votre statut de bombe sexuelle ?

Super ! J’étais très fière.

Comment on fait pour être sex-symbol et féministe en même temps ?

J’ai toujours décidé de ce que je faisais de mon corps. Quand il y a eu le mouvement #MeToo, on m’a demandé si j’avais eu des mauvaises expériences : je n’en ai jamais eu. Quand Harvey Weinstein m’a présenté Mickey Rourke, Mickey a tenté sa chance avec moi : les gars ont vu que je ne bougeais pas une oreille, alors ils se sont dit Avec elle, c’est pas la peine ! Je ne mange pas de ce pain-là. Le maître-mot de ma vie est la dignité.

Vous êtes restée liée à Jean-Hugues Anglade ?

On ne se voit presque pas, mais Jean-Hugues sera toujours dans mon cœur. Chaque année, on s’envoie des messages pour se souhaiter une bonne année : il signe Zorg, je signe Betty. Dominique (NDLR : Besnehard), c’est plus que ma famille. Et Jean-Jacques (Beineix), je l’aime aussi, même si on ne se voit pas.

Quels sont vos projets, aujourd’hui ?

Je devais remonter sur scène avec Virginie Despentes et Casey (NDLR : pour le spectacle « Viril », dans lequel la comédienne, l’écrivaine et la rappeuse présentent des textes féministes et antiracistes) : on n’a pas joué depuis le 3 mars, c’est trop triste! Sinon, je commence un film belge, « Fils de », où j’incarne la mère de trois voyous. Et je dois terminer le long-métrage de Claude Lelouch, « L’Amour, c’est mieux que la vie », et réaliser un docu sur Claude : j’interviewe toutes les actrices qui ont travaillé avec lui.

Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour 2021 ?

Il faut souhaiter au monde de l’amour. Moi, j’en ai, j’ai un homme merveilleux (NDLR : son compagnon, Paul Bichet). Et puis nique sa mère au coronavirus ! Est-ce que je l’ai eu ? Non, je ne suis jamais malade : la mauvaise herbe, c’est solide ! C’est comme ça que m’appelait Annie Girardot, que j’aimais tant : « la Mauvaise herbe ».

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